🧵 La Chine peut-elle être tenue responsable, en droit international, de la propagation du COVID-19 ?
Un thread pour comprendre ce que dit (vraiment) le droit 👇
#DroitInternational #ResponsabiliteInternationale

#1

Certains États ont accusé la Chine d’avoir dissimulé des informations au début de la pandémie. Mais pour qu’il y ait responsabilité internationale, il faut :
🔹 Un fait internationalement illicite
🔹 Attribuable à l’État
🔹 Éventuellement un dommage

#2

➡️ Quel est le fait illicite ?

En droit international, il s'agit de la violation d'une obligation internationale, la violation d'une obligation provenant d'un traité spécifique auquel la Chine serait partie  ou d'une  obligation coutumière.

#3

❓Quelle obligation la Chine pourrait-elle avoir violé ? 
A mon avis, aucune obligation de fond, mais des obligations procédurales, notamment celle de notifier de l'événement. 

#4

⚖️ La CIJ l’a rappelé dans l'Affaire Pulp Mills (2010) : La violation d’une obligation de procédure suffit à engager la responsabilité d’un État, même si aucune obligation "substantielle" (ne pas polluer, ne pas nuire…) n’a été violée.

🔗 https://www.icj-cij.org/fr/affaire/135

#5

👉 La Chine avait-elle l'obligation de notifier l'évènement ? 
Nous pouvons en discuter plusieurs : 

#6

📢 1️⃣ L'obligation conventionnelle de notifier à l'OMS dans les 24h tout événement pouvant constituer une urgence de santé publique de portée internationale :  Règlement sanitaire international (RSI) art. 6.
 https://apps.who.int/gb/bd/pdf_files/IHR_2022-fr.pdf
Cette obligation existe vis à vis de l'OMS, donc son champs d'application est limité

#7

🌐 2️⃣ Une obligation générale de notification à tout État susceptible de subir un dommage grave. Cette obligation n'a pas été encore établie en tant que telle, mais la jurisprudence des tribunaux internationaux tourne autour ⤵️

#8

📍 Dans l'Affaire du détroit de Corfou (1949), la CIJ a rappelé l'obligation de signaler aux Etats étrangers la situation risquée de la zone sous son contrôle. 

Il s'agissait de signaler l'existence de mines placée dans la mer territoriale albanaise et de nature à entraver le libre passage innocent des navires étrangers. 

A mon avis, cette jurisprudence à elle seule n'établit pas une obligation générale de notification en cas de risque de pandémie. 
🔗 https://www.icj-cij.org/fr/affaire/1

#9

📍 L'Affaire du Trail Smelter (1941) a établi une obligation de ne pas causer de dommage transfrontière : peut-on y assimiler le défaut de notification du cas d'espèce ? Je le pense.
Il existe en effet, certes en droit de l'environnement, un devoir de notification qui peut probablement être considéré contraignant.
https://esil-sedi.eu/wp-content/uploads/2018/04/McIntyre.pdf
Peut-on l'étendre aux cas de risque d'épidémie mondiale ? Compte tenu des objectifs de ce principe, c'est mon avis. 

#10

En conclusion, je suis d'avis que la Responsabilité internationale de la Chine pourrait être engagée pour violation d'une obligation procédurale. 

#11

👀 Et ce n’est pas tout 

La tendance des cours internationales actuellement est de considérer que les Etats sont tenus par une obligation générale de "due diligence" (je ne trouve pas de traduction en français, peut-être diligence raisonnable). 

L'idée est de sanctionner les Etats qui trainent des pieds, mettent en place des réglementations creuses ou tardent à remplir leurs obligations.

#12

Les due diligence sont une obligation de conduite, notamment l'adoption de mesures nécessaires (par exemple en application d'un traité) et les efforts raisonnables pour les mettre en oeuvre. L'existence d'un dommage ne signifie pas que cette obligation a été violée. Les standards sont en génral définis par l'Etat lui-même et sont avant tout contextuelles ⤵️

#13

🔍 La jurisprudence du TIDM (Avis Consul. sur les activités dans la Zone, 2011) montre que le manquement à une obligation de due diligence (ex : encadrer, surveiller des activités dangereuses sur son territoire) peut constituer une faute - mais cela dépend du contexte.
🔗 https://www.itlos.org/index.php?id=109

#14

La mise en oeuvre des due diligence vise à limiter les impacts transfrontières d'une activité donnée, ains que les effets potentiels dans les zones au-delà de la juridiction nationale : la jurisprudence à ce sujet en matière de droit de la mer est nombreuse : IUU AO, ITLOS 2015; Délimitation Ghana/Côte d’Ivoire, ITLOS 2015; South China Arbitration 2016

#15

Revenons à la Chine et au Covid. Pourrait-on évoquer un manquement aux obligations de due diligence incombant à la Chine ? Peut-être. Par exemple, le défaut de contrôle du laboratoire, un manque d'entrainement des personnels, une habilitation hâtivement délivrée.

#16

✅ En conclusion, il existe une possibilité pour que l'on puisse attribuer (condition 1) à la Chine une violation d'une obligation internationale (condition 2).  



#17

💥 Reste la troisième condition, celle du dommage.
Certes, le dommage n’est pas requis pour établir la responsabilité en cas de violation d’une obligation procédurale (cf. Affaire des usines de pâte à papier), mais il devient crucial si l’on veut obtenir plus qu’une simple satisfaction.

#18

⚖️ Le régime de responsabilité internationale des Etats prévoit en effet trois formes de réparations (Art. 35-37 ARSIWA: 
1️⃣• La restitution = restaurer la situation à son état antérieur.
2️⃣• L'indemnisation : quand la restitution est impossible : compensation financière.
3️⃣• La satisfaction: c'est une réparation symbolique : excuses, reconnaissance de la violation.

#19

🧩 Peut-on établir ce dommage dans notre cas d'espèce?
Les dommages économiques sont considérables ; on doit aussi évaluer les dommages psychologiques dus aux confinements successifs, etc. 

#20

👉 Cela soulève une autre question :
Est-ce le comportement initial de la Chine qui a causé ces pertes ?
Ou l’absence de réaction/inadequation de la réaction des États eux-mêmes ?
Les États ont réagi différemment avec des mesures clairement différentes en terme de mortalité:
🇫🇷 France → mesures tardives, forte mortalité
🇦🇺 Australie → réaction rapide, moins d’impact sanitaire

#21

➡️ Autrement dit, le débat sur la causalité sera complexe, et pas gagné d’avance.

#22

En résumé 🧠
✅ Oui, la Chine a probablement violé des obligations au moins procédurales (RSI, droit coutumier)
✅ Ces violations constituent des faits internationalement illicites
✅ Attribuables
✅ Les dommages sont indéniables, mais la causalité directe sera plus difficile à prouver et surtout, la répartition des dommages difficile à évaluer.

👉 La responsabilité existe probablement en droit. L’obstacle suivant est politique et pratique.

#23

Où faire reconnaitre cette responsabilité et demander réparation ?
🔹 La CIJ ? Il faut le consentement de la Chine ❌
🔹 Un tribunal arbitral ? Même problème ❌
🔹 Juridictions nationales ? Bloquées par l’immunité des États ❌

➡️ La responsabilité internationale est théoriquement fondée, mais pratiquement difficile à faire valoir.

#24

📚 En conclusion :La Chine pourrait être responsable au sens du droit international, pour défaut de notification rapide et de vigilance, mais il sera difficile de le faire reconnaître par une autorité compétente et encore plus difficile d'obtenir une compensation pour les dommages engendrés.
Autrement dit, une nouvelle illustration des limites du système juridique international.

#25

La version unrolled ici https://typefully.com/TreatyTales/8ESb7Rd

#27

Responsabilité de la Chine / Covid

Le Groenland peut-il devenir américain? 

⚖️ En droit international, les Etats peuvent parfaitement renoncer à leur souveraineté au profit d'un autre Etat. 
Ce transfert de souveraineté se concrétise en général par la signature commune d'un traité.


👉L'histoire regorge d'exemples : la cession par les britanniques de l'île d'Heligoland à l'Allemagne en 1890, en échange de la reconnaissance de la souveraineté britannique sur Zanzibar ou l'achat par l'Australie de Christmas Island en 1957.
https://www.herodote.net/almanach-ID-3084.php


⚠️ Cependant, un traité de cession d'un territoire, comme tout traité, serait nul s'il avait été obtenu par la menace ou l'usage de la force, en violation des principes de la Charte de l'ONU (VCLT, art. 52)

⚠️ Cette cession ne pourrait s'opérer sans le consentement express des populations concernées (La CIJ a déclaré dans un contexte différent "tout détachement par la puissance administrante d’une partie d’un territoire non autonome, à moins d’être fondé sur la volonté librement exprimée et authentique du peuple du territoire concerné, est contraire au droit à l’auto détermination") Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, CIJ, 2019
https://www.icj-cij.org/fr/affaire/169 

La souveraineté du Danemark sur le Groenland, contrairement aux affirmations de certains, est fermement établie, parce qu'elle a été souvent questionnée.

En particulier, l'ancêtre de la CIJ, la CPIJ, en 1933, l'a confirmé, au cours d'un différend entre la Norvège et le Danemark.
Legal Status of Eastern Greenland https://www.ilsa.org/Jessup/Jessup17/Batch%202/Legal%20Status%20of%20Eastern%20Greenland%20(PCIJ).pdf

🤔Et si le Danemark n'est pas d'accord ? (en 2019, lorsque Trump avait déjà évoqué l'idée, le Danemark avait réagi négativement)



▶️ La règle de base du droit international, c'est la souveraineté des Etats.
Envahir le Danemark contre son gré et en prendre possession a un nom en droit international :

❌ C'est une annexion et c'est strictement interdit. 
⚖️ Il s'agit même d'une norme impérative (jus cogens) - à laquelle les Etats ne peuvent déroger : 

😤 cela signifie qu'aucune reconnaissance par les autres Etats ne légitimerait cette atteinte insupportable à l'un des principes fondamentaux du droit international, consacré par la Charte de l'ONU : le respect de l'intégrité territoriale des Etats. 

💡 Installer un gouvernement fantoche n'aidera pas non plus à contourner le droit. 
Ca a été testé et ça n'a pas fonctionné (en droit).

👉 En 1931, par exemple, le Japon a conquis la Mandchourie et installé un gouvernement  à sa botte. 
 https://fr.wikipedia.org/wiki/Mandchoukouo

La Société des nations a refusé d'inscrire le Mandchuko parmi les nations , estimant que la souveraineté chinoise s'étendait nonobstant sur le territoire mandchou.

👉 En 1974, la Turquie a envahi et occupé le nord de Chypre par la force. En 1983, avec le soutien turc, une entité qui s'est désignée elle-même sous le nom de "République Turque de Chypre du Nord" décide de faire sécession.
 https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/1453

🤔 Et si les USA payaient les Groenlandais pour qu'ils fassent sécession et rejoignent, de leur plein gré, les Etats Unis ? 

👉L'idée du principe d'auto-détermination des peuples a commencé à germer après la première guerre mondiale, et l'établissement du système de mandat par l'article 22 du Convenant de la SDN (très timidement).

👉Il a surtout été consacré par la Charte de l'ONU (article 1 (2) et articles 55-56), puis progressivement précisé, notamment par la résolution 1514 (XV) de l'AG ONU.

👉L'invoquer est une idée intéressante, mais se heurte au fait que, aux termes de cette même déclaration, le principe d'autodétermination ne peut être appliqué ou invoqué pour perturber l'unité nationale ou l'intégrité territoriale d'un pays (art.6 de la Déclaration 1514)

👉L'art.7 de la déclaration précise même que l'auto-détermination ne saurait conférer aux minorités qui se trouvent sur un territoire étatique le droit à leur Etat autonome. 

⚖️ La Cour Suprême du Québec, dans une affaire Re Sécession du Québec, a expliqué pourquoi l'autodétermination externe était restreinte à des catégories spécifiques 
 https://decisions.scc-csc.ca/scc-csc/scc-csc/en/item/1643/index.doc

Le droit à l'autodétermination ne s'applique ainsi qu'à deux catégories de personnes : 
1️⃣une catégorie coloniale (et ce droit a été exercé par les habitants du Groenland, ce qui a abouti à l'autonomie de la province) et 

2️⃣ une catégorie de personnes qui sont "soumises à l'asservissement, la dominatin ou l'exploitation hors contexte colonial".

💡On peut bien entendu imaginer que le Groenland décide de faire sécession et de déclarer son indépendance par une déclaration unilatérale.

La législation danoise reconnait en effet le droit à l'autodétermination du peuple du Groenland, sans qu'on sache très bien si cette autodétermination est externe ou interne 
📝Cessation of the transmission of information under Article 73e of the Charter in respect of Greenland. https://digitallibrary.un.org/record/211980?v=pdf

👉  Le souci d'une telle option est que, si l'entité qui se crée n'a pas l'obligation particulière de respecter l'intégrité de son Etat parent, ce n'est pas le cas des autres Etats : ce devoir les empêche de reconnaitre cette nouvelle entité.

🤔On pourrait bien entendu se poser la question du respect du critère d'indépendance du nouvel Etat.

👉 L'illégalité d'une déclaration d'indépendance unilatérale du Groenland pilotée par les USA ne fait enfin aucun doute.

⚖️Dans son avis sur la Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo, en 2008, la CIJ a relevé que ⬇️
https://www.icj-cij.org/fr/affaire/141

...l'illégalité attachée aux déclarations d'indépendance condamnées par le Conseil de Sécurité (Rhodésie du Sud, Chypre-Nord, et la Republika Srpska) ne venait pas du caractère unilatéral de ces déclarations, mais du fait qu'elles étaient connectées ⬇️

... à un usage illégal de la force ou autre violations considérables du droit international général.

👉Ce faisant, la CIJ suggère que si une déclaration d'indépendance provient d'une violation du droit international, alors cette déclaration d'indépendance ne peut être considérée conforme.

👉Soudoyer les habitants du Groenland pour les inciter à faire sécession ou toute autre force de coercition serait une violation inacceptable de l'intégrité territoriale du Danemark, conduisant à l'illégalité de la revendication d'indépendance du Groenland.

Le Groenland peut-il devenir américain ?

Peut-on appliquer le principe d'Uti Possidetis Juris aux frontières d'Israel ? 

L'argument est développé depuis quelques années et vient de faire irruption sur twitter

https://x.com/CohenJulien/status/1874381594636456233


Il a été récemment soulevé par la vice-présidente de la CIJ, la Juge Sebutinde, dans son opinion dissidente de l'avis sur les "Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est" (CIJ, 2024)
https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/186/186-20240719-adv-01-02-enc.pdf

Uti Possidetis Juris est un principe de droit international coutumier.

Tout d'abord, ayez à l'esprit que le droit international coutumier est une source de droit très importante, qui a la même valeur qu'un traité (il n'y a pas de hiérarchie des normes en droit inter).

Le droit international coutumier se forme par une pratique des Etats uniforme, constante et générale, qui agissent avec le sentiment de satisfaire à une obligation légale.

Utis possidetis juri est donc le résultat d'une pratique générale, constante, et uniforme des Etats, dans certaines circonstances, Etats qui l'appliquaient avec le sentiment de suivre une règle de droit. 

Pour le définir brièvement : quand un nouvel Etat est établi sur un territoire qui était antérieurement soumis à un régime colonial, les frontières de ce nouvel Etat correspondent aux frontières de l'ancien régime colonial.  

👉Ce principe s'applique même si des minorités ethniques ou nationales, sur ce territoire, veulent exercer leur droit à l'autodétermination par la création d'un Etat séparé.

Ce principe est utilisé depuis le XIXème siècle pour stabiliser les frontières et stabiliser les conflits. Il a été décrit par la CIJ comme un "principe général lié au phénomène d'acquisition de l'indépendance" (Différend frontalier, Burkina Faso/République du Mali, CIJ 1986) et extensivement appliqué, à notre époque, à la décolonisation en Afrique.
https://www.icj-cij.org/fr/affaire/69/arrets 

❗L'objet du principe uti possidetis (la raison pour laquelle il est applique) est de promouvoir la stabilité des frontières et d'éviter les conflits lorsque la puissance occupante se retire. Ce serait d'ailleurs la raison du plan de partition présenté par l'Assemblée Générale le 29.11.1947, avant le retrait des britanniques. 

👉Pas mal de jurisprudence à ce sujet de la CIJ, notamment : Différend frontalier opposant le Bénin au Niger,  2005;  Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria,  2002.
https://www.icj-cij.org/fr/affaire/69/arrets
https://www.icj-cij.org/fr/affaire/94

Sur quoi repose ce principe ? 
👉 la continuité territoriale : la CIJ insiste sur le fait que les frontières coloniales deviennent les frontières du nouvel Etat, à moins qu'elles ne fasse l'objet d'un accord contraire ultérieur
👉 l'importance des titres juridiques préexistants : la Cour examine les cartes, les lois coloniales et autres documents
👉 la stabilisation des frontières : l'utis possidetis vise principalement à stabiliser les situations frontalières.

L'uti possidetis, notamment dans son application en Afrique, pose une présomption, celle de l'existence d'une souveraineté territoriale, d'une part, et, d'autre part, d'une homogénéité des peuples. 
https://droit.cairn.info/revue-civitas-europa-2023-2-page-101?lang=fr&tab=resume

C'est ce qui justifie qu'on écarte le droit à l'autodétermination des minorités : des frontières stables, plutôt que le morcellement de l'existant. 


⚖️ Autre élément à prendre en compte dans l'application du principe UPJ,  la notion de "date critique" : la date utilisée pour évaluer la souveraineté d'un demandeur - c'est en général la date de revendication d'indépendance.

👉Par exemple, dans l'affaire du Statut légal du Danemark oriental, la PCIJ, en 1933, a indiqué que la date critique était le 10 juillet 1931, date de revendication norvégienne.
https://www.worldcourts.com/pcij/eng/decisions/1933.04.05_greenland.htm


✅❓L'hypothèse défendue dans la vidéo ci-dessus est que, puisqu'Israel est un Etat né sur le territoire de la Palestine après que le mandat britannique ait cessé en 1948, les frontières d'Israel doivent correspondre aux frontières de la Palestine sous mandat.

1️⃣✅ L'argument principale est qu'Israel est devenu un nouvel Etat en 1948, se proclamant comme tel à l'expriation du mandat britannique. 
Le nouvel Etat a été immédiatement envahi par ses voisins (et des non-voisins) et, à la fin des hostilités, Israel ne possédait qu'une part du mandat britannique (le reste étant occupé par la Syrie, l'Egypte et la Jordanie). 
Israel et les Etats voisins ont essayé en vain de s'accorder sur des traités de paix ou une détermination commune des frontières. 

👉Ainsi, bien qu'une partition ait été proposée par l'ONU, Israel est le seul Etat qui ait émergé du Mandat britannique en Palestine et devrait donc, en vertu de l'uti possidetis juris, revendiquer les frontières de l'ancien mandat britannique.  

2️⃣✅ les accords de paix signés depuis avec les Etats voisins renforcent l'application de l'uti possidetis : ils sont explicitement basés sur les frontières du Mandat britannique et Israel ne les a signés que pour obtenir la paix (étant entendu que le principe est la souveraineté à l'intérieur des frontières du mandat britannique, frontières qu'Israel aurait accepté de réviser pour faire la paix)

👉Ainsi,  la mise en oeuvre  de l'uti possidetis reconnaîtrait à Israel sa souveraineté sur Jérusalem Est, Gaza, la Cisjordanie - sauf les territoires qu'Israel aurait volontairement cédés. 

⚖️ Cette interprétation est renforcée par la jurisprudence de la CIJ : elle a reconnu (Différend frontalier, Burkina Faso/République du Mali, CIJ 1986) que lorsque les démarcations administratives coloniales et l'exercice du pouvoir colonial à l'intérieur de ces frontières étaient clairs, évident, alors ces démarcations devaient servir de frontière, même si le nouvel Etat n'exerçait pas (encore) son autorité sur l'intégralité du territoire.

▶️ Autrement dit, un Etat accédant à ce statut par uti possidetis juris ne la perdrait pas simplement parce qu'un autre Etat/entité administrerait une partie du territoire. 
👉 Ce qu'on comprend, c'est que, par exemple, l'occupation du plateau du Golan par la Syrie ou l'exercice par l'autorité palestinienne de son autorité sur la Cis-jordanie ou Gaza ne comprometteraient pas la souveraineté d'Israel sur l'intégralité du territoire, en tous les cas au regard de l'applucation d'uti possidetis.

3️⃣✅  le principe uti possidetis est appliqué pour établir des frontières intangibles, primant sur le droit des peuples à l'autodétermination. 
👉 cela signifierait que l'établissement de frontières stables héritées de l'ancien mandat britannique en Palestine primerait sur le droit des palestiniens à l'auto-détermination, renforçant une éventuelle revendication de l'intégralité du territoire par Israel.

⚖️La commission Badinter établie à l'occasion de la partition de l'ex-Yougoslavie a a déclaré : "quelles que soient les circonstances, à moins que les Etats concernés en décident autrement, le droit à l'auto-détermination ne doit pas permettre de changer les frontières existant au moment de l'indépendance (uti possidetis juris)"
Texte complet cité par Alain Pellet : http://www.ejil.org/pdfs/3/1/1175.pdf

4️⃣✅ ce principe a été utilisé fréquemment pour délimiter les frontières des nouveaux Etats, pas seulement en Amérique du Sud et en Afrique, mais notamment ceux créés à partir de l'ex-Yougoslavie, de l'ancienne Tchécoslovaquie ou de l'ex URSS. 
👉Le territoire revendiqué par l'Ukraine et internationalement reconnu est le résultat de la mise en oeuvre du principe uti possidetis.

🤔Tous ces arguments sont séduisants. Ils sont en outre développés par une avocate dont l'objectif est de vous persuader. 

Je comprends que certains y voient "une démonstration implacable", mais c'est plus le résultat de son professionalisme et d'une méconnaissance du droit applicable.

❌ Je vois pour ma part plusieurs points faibles à ce raisonnement :
(les ✅ et les ❌, c'est juste pour distinguer les arguments en faveur ou en défaveur de l'hypothèse, pas pour distribuer les bons et mauvais points)

1️⃣❌ Il est indéniable que utis possidetis a été utilisé pour privilégier la stabilité des frontières à l'autodétermination des peuples (avec les résultats dramatiques qu'on voit tous les jours en Afrique).

En revanche, il n'a jamais été utilisé pour autoriser une population minoritaire à revendiquer la souveraienté sur l'intégralité du territoire colonial, frustrant derechef le droit à l'autodétermination d'une majorité nationale du territoire (en 1946, au moment du rapport à l'ONU qui recommandait la partition, les juifs représentaient 1/3 de la population sous mandat britannique) 

2️⃣❌Beaucoup plus important à mes yeux, au moment de l'indépendance d'Israel, ses dirigeants n'ont jamais revendiqué les frontières de l'ancien Mandat britannique. Ils ont même revendiqué le contraire : ils ont accepté le principe de la partition, même s'ils n'en étaient pas tout à fait satisfaits.

L'appel au recours à l'uti possidetis apparait comme une sorte de réécriture de l'histoire, alors que les preuves abondent que ceux qui ont présidé à la création de l'Etat n'ont jamais eu l'intention de revendiquer la totalité du territoire.

3️⃣❌ Israel n'a jamais agi comme si les frontières de l'Etat étaient celles de l'ancien mandat britannique. 
 
En particulier, les territoires dont Israel a pris le contrôle après la déclaration d'indépendance ont été désignés comme territoires occupés.
👉 par exemple, Abba Eban "The above areas outside the territory of the State of Israel are under the control of the military authorities of the State"
https://digitallibrary.un.org/record/636339?v=pdf
👉 Autre exemple, il a été nécessaire d'adopter une loi particulière pour que  la loi israélienne s'applique à Jérusalem Est. 


4️⃣❌ Dernier argument : uti possidetis juris s'oppose à la doctrine uti possidetis facto. 

Uti possidetis facto détermine les limites de souveraineté en se fondant sur les faits, la réalité, alors que uti possidetis iuri détermine les limites d'un territoire souverain en se fondant sur des décisions préexistantes.

La première était destinée à justifier la souveraienté des colons sur des terres "qui n'appartenaient à personne" (comme l'Australie). 


Au combat des deux, la deuxième gagne ; l'ONU, a proposé une partition pendant le mandat britannique, ce qui suggère une subdivision administrative du territoire acceptée par la puissance occupante (les britanniques) et justifie qu'Israel ait déterminé ses frontières en se basant sur ce modèle et non sur l'entièreté de la Palestine.   


👉 Les Etats de l'ancien empire espagnol en Amérique du Sud ont décidé d'appliquer le principe d'uti possidetis juris entre eux, retenant les frontières administratives intérieures. Lorsque le Nicaragua a contesté cette répartition, décidée au XIXème s, la CIJ a indiqué que l'application du principe pouvait naitre de l'accord entre les parties (Frontière terrestre, insulaire et maritime, Salvado c/ Honduras, intervention du Nicaragua) 1992

▶️En l'espèce, diverses preuves indiquent qu'Israel a accepté la répartition proposée, ce qui rend difficile, sinon impossible, à mon avis, une revendication des frontières de l'ancien Mandat britannique fondées sur l'uti possidetis.

📘En conclusion

👉 Cet exemple souligne une nouvelle fois que, contrairement à ce que beaucoup pensent, le droit n'est pas histoire d'avoir raison ou tort, mais quels arguments sont les plus convaincants : par exemple, oui, Israel est le seul Etat ayant émergé du Mandat britannique mais d'un autre côté, n'a jamais revendiqué ni l'application de ce principe, ni des frontières aussi étendues pendant des décennies. 

Le principe iuri possidetis est un outil de stabilisation des frontières qui ne peut s'appliquer lorsque les frontières extérieures sont contestées. Qui peut croire aujourd'hui que son invocation permettrait un apaisement ? 

Tout ceci est une vulgarisation.

Pour plus de précisions 

Rothwell (D.), Kaye (S.) & al : Internatonal Law, 3rd edition, Cambridge, 2020, 828 p.

Corten (O.), Delcourt (B) et al, Démembrements d'Etats et délimitations territoriales : l'uti possidetis en question(s), Bruylant 1999, 456p

Ratner (S.) : Drawing a Better Line: UTI Possidetis and the Borders of New States, American Journal of International Law. 1996;90(4):590-624. doi:10.2307/2203988

Shaw (M.) : Peoples, Territorialism and Boundaries, European Journal of International Law, Volume 8, Issue 3, 1997, pp 478–507, https://doi.org/10.1093/oxfordjournals.ejil.a015594

Bell (A.) &  Kontorovich (E.) : Palestine, Uti Possidetis Juris, and the Borders of Israel, 58 ARIZ. L. REV. 633 (2016)
https://arizonalawreview.org/pdf/58-3/58arizlrev633.pdf
Kretzmer (D.) : The principle of uti possidetis juris and the borders of Israel, Verfassungsblog, 9.10.24 
https://verfassungsblog.de/the-principle-of-uti-possidetis-juris-and-the-borders-of-israel/

Uti Possidetis Juris and Israel's Borders

Le principe de précaution, un frein à l'innovation ? 

Décidément, si 2025 continue sur la lancée de 2024, vous tous, mes chers followers, pourrez revendiquer un niveau de master en droit international.


A cette occasion 👇, je vous propose de parler (brièvement pour une fois) principe de précaution

https://twitter.com/24hPujadas/status/1873807931994521828

Le principe de précaution, dans l'inconscient collectif, est aujourd'hui entendu comme une allergie au risque. 
👉Les tenants du principe seraient des demoiselles effarouchées qui hésitent à tremper un orteil dans l'eau sans la certitude absolue qu'elles en ressortiront parfaitement coiffées. 

Ce n'est pourtant pas le cas. 

👉Principe majeur du droit de l'environnement, né dans les années 70 et apparu en fanfare à la une des médias il y a plus de trente ans, le principe de précaution est un principe d'action.


Il est déclenché par la réunion de deux critères : 
 🔬des incertitudes scientifiques (absence de consensus, données insuffisantes ou peu concluantes) et
⚗️un risque hypothétique scientifiquement évalué.

🌪️ L'exemple phare du principe de précaution est celui des changements climatiques. 👉Lorsque les scientifiques ont commencé à tirer la sonnette d'alarme, il n'existait pas de consensus scientifique ; de même lors de la Convention sur les POPs 🧪, les polluants organiques persistants. 

Les risques, bien qu'hypothétiques, faisaient craindre des dommages importants et irréversibles.

Le principe de précaution impose au politique d'agir ou, plus souvent, lui interdit au politique de se retrancher derrière l'absence de consensus scientifique et la non-certitude des risques pour remettre à plus tard une décision.
👉Dans le cas des POPs,  les Etats ont, en conséquence, adopté des mesures de retrait progressifs de ces composés.
🐠 C'est le même mécanisme qui sous-tend la fixation de quotas de pêche, par exemple. 

⚖️ Le principe de précaution est ainsi un instrument de décision : celle-ci sera fonction du niveau de risque que la société est prête à prendre pour son environnement. 

C'est souvent cette dernière partie seule qui est utilisée par les contempteurs de ce principe pour fustiger des actions qui sont jugées excessives. 

🙃 Par un curieux renversement de l'histoire, cette simplification a progressivement érigé le principe de précaution en principe de paralysie, ou de justification à empêcher le progrès.   

Je vous souhaite de finir l'année en beauté 

Le Principe de Précaution

Au cours du @24hPujadas de vendredi soir, animé par @daviddoukhan, les experts du plateau ont discuté #droitdelamer ⚓ , l'occasion de discuter de l'éventuel contrôle/arraisonnement des navires suspects. 
https://twitter.com/24hPujadas/status/1872701717923459530

👉 Première remarque, la navigation en mer est avant tout basée sur la #libertedesmers théorisée par Grotius en 1609 (Mare Liberum) et jamais vraiment abandonnée, même si la liberté a été progressivement restreinte par, notamment, les Etats côtiers. 

https://www.puc-ed.fr/fr/book/?GCOI=28777105396600

Afin d'organiser cette liberté, le droit de la mer distingue plusieurs zones où la souveraineté des Etats s'exerce différemment. On distingue 
 - les eaux intérieures (y compris le port) assimilées au territoire national
- la mer territoriale, où l'Etat riverain est souverain (max 12 miles nautiques -nm)

- La zone contiguë, une sorte de zone tampon où l'Etat peut exercer des contrôles  relevant de sa fiscalité, des douanes, de l'immigration, etc. (max24 nm depuis la côte), continuer les poursuites engagées dans la mer territoriale ("poursuite chaude"), etc.

- La zone économique exclusive (ZEE), une zone où l'Etat exerce des droits souverains seulement en matière d'exploitation des ressources naturelles mais où s'exerce la liberté de navigation et de survol.

- La haute-mer : zone de liberté où seul l'Etat du pavillon (l'Etat auprès duquel le navire est enregistré) exerce sa juridiction (sauf exception en matière de traite d'êtres humains et de piraterie)

👉Vous comprendrez que lorsque, pour expliquer les tensions actuelles, on vous présente une carte de la Baltique qui définit les frontières maritimes des Etats en se fondant sur les revendications de ZEE, ça n'a guère de sens, sauf si vous vous intéressez au droit de la pêche, à l'exploitation du sous-sol ou à la protection de l'environnement. 

(source https://www.defense.gouv.fr/cesm/actualites/breves-marines-ndeg263-mer-baltique-paysage-strategique-qui-se-transforme)

Ce qui compte surtout pour discuter pouvoirs des Etats côtiers sur les navires étrangers, ce sont les eaux territoriales. 
Pour ce qui est du régime de navigation, le reste est globalement une zone de liberté où l'Etat cotier n'a que très peu de possibilité d'action. 

👉Donc lorsque le Général Dutartre dit qu'il s'agit d'une "mer intérieure otanienne", c'est le militaire qui parle, mais pas un juriste : la Baltique est principalement constituée de zones économiques exclusives où la navigation est totalement libre - une mer intérieure serait une zone sous juridiction complète de l'Etat, au même titre qu'un port ou une embouchure de fleuve.

👉De même, le Général a expliqué que, pour sortir de la mer Baltique, il faut passer entre le Danemark et la Suède, et il faudrait "contrôler tous les navires". 
Dans les conditions actuelles, et du point de vue des pays de l'OTAN, ce serait probablement souhaitable, mais ce serait aller à l'encontre du droit de la mer👇


L'idée n'est pas stupide. Si vous vous référez à la carte, vous verrez qu'il y a des passages où les délimitations de mers territoriales d'Etats voisins se rejoignent, notamment entre la Suède et le Danemark, dans l'Oresund. Il s'agit de routes de navigation où un navire qui viendrait de l'Est de la Baltique ou souhaiterait s'y rendre a l'obligation de traverser une mer territoriale.

Arrêtons-nous un instant sur la notion de mer territoriale. 

🐙 La mer territoriale est une bande côtière de 12nm maximum, sous souveraineté de l'Etat côtier - même si ça ne signifie pas que ce dernier a tous les droits. 
👉 En particuliers, les navires, y compris les sous-marins, sont libres de la traverser sous la condition qu'il s'agisse d'un "passage innocent".

👉Ils ne doivent pas s'arrêter, ne doivent pas trainer en route et ne pas porter ou risquer de menacer l'Etat. Sont interdites, par exemple, les activités de propagande, d'espionnage, de pollution, de destruction de l'environnement ou des biens, etc.   

👉L'Etat côtier possède, dans ses eaux territoriales, pleine juridiction sur la protection des cables et pipelines, la régulation du traffic maritime ou la sûreté de la navigation (art. 21, 22 & 25 de la Convention sur le droit de la mer CNUDM).

👉 Il peut exiger des navires qui exercent leur droit de passage innocent qu'ils suivent des routes maritimes déterminées, ou qu'ils se signalent à l'aide d'un système de localisation (AIS).

👉 S'ils ont des motifs de croire que le navire a enfreint les règles, peuvent monter à bord, inspecter le navire, démarrer des poursuites, voire le retenir (cas grave).

Appliquer le régime du passage innocent des mers territoriales au détroit de l'Oresund, par exemple, permettrait aux autorités des Etats côtiers de monter à bord de n'importe quel navire soupçonné d'avoir laissé trainer son ancre. 
Comme dès que le passage n'est plus innocent, il devient suspect, la force de l'Etat pourrait s'abattre sur le navire en question, son équipage, son capitaine et le Danemark et la Suède, conjointement, pourraient contrôler la navigation des navires en provenance ou à destination de la Russie. 

🧚‍♀️ Ca semble presque trop beau. 
Et ça l'est. 
Trop beau.

👉Cette jonction de mers territoriales contigües forme en effet un détroit au sens juridique du terme - et même un détroit particulier, le détroit international. 



Ce dernier est caractérisé par le fait qu'il est d'une part est utilisé pour la navigation internationale et d'autre part fait communiquer une zone de haute mer ou de ZEE avec une autre zone de haute mer ou de ZEE . 

👉 C'est le cas de notre cas d'école, l'Oresund, qui relie la mer Baltique constituée de mers territoriales et de zones économiques exclusives, et la mer du Nord, même cas de figure, sans possibilité de route alternative.

🥴 Ce que le Général qui appelait à contrpoler le passage des navires en Baltique, ignore sans doute, c'est que lorsqu'un navire traverse un détroit international, il n'est pas soumis au régime plutot avantageux du passage innocent, bien qu'il s'agisse d'eaux territoriales, mais au régime du "passage en transit"

⛵Ce régime du passage en transit (art. 38-2 de la CNUDM) est beaucoup plus favorable à la liberté de navigation - ce qui est logique, puisqu'il s'applique seulement (c'est notre cas) s'il n'y a pas de route alternative et que la liberté de navigation est tout de même la règle en droit de la mer.


🛶 Ainsi, par exemple, les sous-marins, qui, lorsqu'ils traversent une mer territoriale 'simple' ont l'obligation d'effectuer leur passage innocent en surface et pavillon apparent, peuvent, en cas de passage en transit dans un détroit international, naviguer immergé ; les navires de guerre peuvent emprunter ces détroits sans autorisation et les Etats côtiers ne peuvent entraver ou suspendre le passage de quique ce soit.

En retour, les navires ont l'obligation de se conformer à un certain nombre de réglementations principalement internationales et douanières, et notamment les règles de sécurité de navigation comme les mesures anti-collision, l'obligation de suivre une route maritime déterminée, etc.

Impossible donc de contrôler sans raison valable les navires qui effectuent un passage en transit  et surtout pas, comme il l'a été suggéré, monter à bord de tous les navires battant pavillon de complaisance sans avoir des motifs sérieux et concrets de commission d'une infraction. De simples soupçons ne suffiront pas. 

C'est que, voyez-vous, le commerce maritime, depuis Grotius, est une affaire sérieuse, qu'on n'entrave pas pour un oui, pour un non, parce qu'un Etat a besoin de combler son insécurité.

En résumé, la Baltique a beau être bordée d'Etats membres de l'OTAN, ces derniers ne sont pas maîtres des mers et leur capacité d'action est très limitée, ce dont les Etats sont conscients, puisqu'ils ont volontairement limité la largeur de leur mer territoriales.à certains endroits stratégiques.

👉 Vous remarquerez peut-etre, sur la carte, qu'à de nombreux endroits, les Etats ont ménagé une sorte de chenal, revendiquant une mer territoriale bien moins large que ce à quoi ils ont droit. 

Ce chenal est la "route alternative", qui fait tomber le droit de passage en transit et permet aux Etats côtiers de mieux contrôler leur mer territoriale, quitte à la réduire : comme les navires étrangers peuvent naviguer dans cette zone économique exclusive (en toute liberté), s'ils choisissent néanmoins de traverser la mer territoriale d'un des riverains, c'est sous le régime du passage innocent. 

Enfin, et parce que ce n'est pas assez fréquent, je tire mon chapeau à @UBounat & @DrLiz16 qui ont rappelé que les pays occidentaux s'honorent de continuer à vouloir respecter le droit international

Merci d'avoir lu jusqu'au bout. Mon propos n'est pas de vilipender les intervenants de cette émission. On ne peut pa être expert en tout. 
Si je les cite, c'est que je les regarde et les émissions dont je ne parle jamais... et bien je ne les regarde pas.  


Ce thread est aussi l'occasion pour moi de souligner le droit international en action, à une époque où il n'est pas très bien respecté, souvent instrumentalisé, et globalement assez mal compris. 

👉 Demain, on discutera Pavillons de Complaisance et de la fameuse "liste noire" que les Etats "auraient du mettre en place depuis longtemps", pour "enfin s'occuper de ce problème". 

Stay tuned !

Discussing Maritime Law and the Freedom of the Seas

Climat vs États : qui est responsable ?

🌐 En 2023, l'Assemblée Générale de l'ONU a demandé à la CIJ son avis sur les diverses obligations des Etats en matière de changement climatique. 
🤓 Au début du mois de décembre, la CIJ a auditionné les intervenant à la procédure : 97 Etats et 11 organisations internationales ont remis leur intervention écrite et/ou sont venus l'expliquer devant la Cour avant que cette dernière rende son avis. 

On attend de la CIJ qu'elle clarifie d'une part l'étendue et le contenu des obligations des Etats en matière de lutte contre les changements climatiques et d'autre part la question des réparations, en particulier les conséquences légales des dommages significatifs subis par les Etats et les personnes, aujourd'hui, comme demain. 
Ce qu'on peut résumer par : qui va payer quoi ? 
https://www.icj-cij.org/fr/affaire/187

Je ne vous apprendrai rien en énumérant les différents groupes en présence : ▶️ les Etats développés, qui ont beaucoup pollué autrefois et sont aujourd'hui à la pointe de la lutte, auxquels on peut peut-être reprocher des émissions dites historiques. Ces Etats peuvent assumer les conséquences des changements climatiques qu'ils subissent ou seraient amenés à subir.
▶️ les Etats en développement, qui polluent beaucoup aujourd'hui afin d'assurer leur développement et peuvent assumer les conséquences des changements climatiques qu'ils subissent ou seraient amenés à subir.
▶️ les Etats en développement qui subissent les conséquence du changement climatiques sans participer aux émissions et n'ont pas les moyens de faire face aux conséquences.


Les questions à régler sont principalement
1️⃣ Les relations entre le régime du droit international relatif au climat et les autres régimes de droit international (droits de l'homme, droit de la mer)
2️⃣ L’existence et l’application d’un droit coutumier international
3️⃣ L’interprétation de l’Accord de Paris
4️⃣ Les droits humains, en particulier le droit à un environnement sain

Explications et arguments principaux 👇

1️⃣ Les relations entre le régime du droit international relatif au climat et les autres régimes de droit international (droits de l'homme, droit de la mer)

La Cour devra trancher entre :
- le régime de la lutte contre les changements climatiques (Convention sur les Changements climatiques et Accord de Paris principalement) constitue-t-il un régime indépendant qui supplante les obligations internationales des Etats
ou
- se contente-t-il de les compléter (ce qui veut dire que les autres obligations des Etats continuent de s'appliquer en matière de changements climatiques)

👉Si le régime du droit du climat est indépendant, alors les Etats pourront se dédouaner de toute responsabilité s'ils démontrent qu'ils respectent leurs obligations nées de l'accord de Paris.
✅ avantages : ça incite les Etats à se conformer à leurs obligations en la matière pour ne pas avoir à supporter les conséquences de changements climatiques.
❌ inconvénients : ça ne règle pas les conséquences actuelles de ces changements climatiques, laissant les Etats qui les subissent dans les limbes.
 

❓Au nom de quoi pourrait-on considérer que le droit du climat s'applique à l'exception du reste ?

🤓Il existe en droit un principe qui veut que la loi plus spécifique prime sur la loi plus générale, c'est le principe de la "lex spécialis". Suivant cette argumentation, le régime de l'Accord de Paris (et plus généralement de la Convention sur les changements climatiques) serait donc un système spécifique, complet et indépendant, qui se suffirait à lui-même et primerait sur les normes plus générales du droit international public. 

❓Pourquoi est-ce important ? 
▶️Les enjeux sont énormes.



👉Prenons un exemple de "droit général" qui, si on suit le raisonnement exposé plus haut (régime climatique indépendant) ne s'appliquerait pas : 
 il existe un principe de droit international général qui interdit aux Etats de causer des dommages transfrontières, le "No-Harm Principle".

Ce principe fonde une partie du droit de l'environnement : l'Etat a le devoir de prévenir, réduire et contrôler le risque de dommage environnemental qu'il causerait, par son action, aux autres Etats.

Ce principe est solidement établi : arbitrage dans l'affaire du Trail Smelter (1939/1941), celui du Lac Lanoux (1957), un avis de la CIJ sur l'utilisation des armes nucléaires (1996) et un arrêt sur les barrages Gabcikovo-Nagymaros (1997).

Ce principe a fait naitre une obligation de prévention des dommages transfrontières, mais aussi un droit de la responsabilité : celui qui cause un dommage transfrontière a l'obligation de le réparer ou d'indemniser les dommages causés. 

S'il trouvait à s'appliquer dans le cas des changements climatiques, les Etats lésés pourraient exiger des Etats déclarés responsables une réparation pour les dommages subis. 

De même, si le régime du droit du climat n'est pas indépendant, alors les Etats doivent non seulement respecter leurs obligations de l'accord de Paris, mais également les droits humains. 

Leur responsabilité dans la violation du droit à un environnement sain, par exemple, pourra être engagée par les individus, voire les Etats, qui souffrent des désordres climatiques.

▶️ Ceux qui refusent l'idée d'un régime indépendant et militent pour que les obligations "climatiques" des Etats soient complémentaire du droit international général argument  :


- que l'intention des parties de limiter les obligations des Etats à l’Accord de Paris n’a jamais été exprimée au moment de l’adoption de l’accord.
- que, par exemple, les droits humains figurent dans le préambule de l’Accord (qui interviendrait donc pour les renforcer, plutot que pour kes remplacer)


- que l'Accord de Paris ne contient aucune règle secondaire qui prévoit les conséquences des violations de l’Accord : dans ce cas, la règles est de se tourner versle droit international général, et donc la règle de réparation en cas de dommage transfrontière
 

- sur l'art. 31-3-c de la convention de Vienne sur l’interprétation harmonieuse des Traités : “il sera tenu compte, en même temps que du contexte (…) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties". 
Les parties l’interprètent ici comme suggérant non une réduction des autres obligations, mais comme une complémentarité renforçant les obligations des deux côtés. 
Selon le Mexique et le Costa-Rica, cette règle dite d’interprétation harmonieuse vise à créer une réponse coordonnée qui comblerait les lacunes du droit international du climat, en faisant émerger la responsabilité des Etats.
https://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/1_1_1969.pdf

👉En soutien de cette analyse, on peut rappeler la récente opinion du tribunal du droit de la mer (ITLOS) qui a rejeté l’idée que le droit international du climat serait une lex specialis (= une loi qui supplanterait le droit international général) : itlos avait en effet considéré que le tribunal ne considérait pas que l’accord de la Paris modifiait ou limitait les obligations au regard du droit de la mer.
https://www.itlos.org/fileadmin/itlos/documents/cases/31/Advisory_Opinion/C31_Adv_Op_21.05.2024_orig.pdf


Pour appuyer cette interprétation, le Bengladesh rappelle que la règle voulant qu'une loi spéciale (lex spécialis) supplante une loi plus générale n'est utilisée que lorsque plusieurs normes internationales sont en conflit et vise à résoudre ce conflit, ce qui n'est pas le cas ici.

Autre question qui devra être tranchée par la CIJ : 
2️⃣ L’existence et l’application du droit coutumier international

C'est l'occasion de rappeler ce qu'est le droit coutumier international (comme, par exemple, l'obligation de prévenir un dommage transfrontière vue un peu plus haut). 



❓Qu'est-ce que le droit coutumier ?

⚖️ En droit international public, une règle coutumière est une source primaire du droit, qui a autant de valeur qu'une obligation née d'un traité - il n'y a pas de hiérarchie entre les deux. 

L'avantage d'une obligation conventionnelle (=née d'un traitée), c'est qu'elle est écrite et qu'on peut s'y référer aisément. 

Le droit international coutumier, lui, est déduit de la pratique des Etats et de leur intention dans l'action : pour démontrer une règle coutumière, il faut  montrer qu'un grand nombre sinon tous les Etats, avec uniformité, constance, ont agi d'une certaine manière (Exigence de pratique des Etats) en estimant qu'ils agissaient légalement (Opinio Juris).  

Au cours des dernières décennies, la CIJ a ainsi déterminé l'existence de coutumes internationales, comme, par exemple, celle qui oblige les États à ne pas utiliser leur territoire de manière à nuire à d'autres États (Détroit de Corfou, 1949).

La formation d’une coutume est un processus flexible mais rigoureux, reposant sur la cohérence et l’acceptation juridique de la pratique.

Si aucun Etat aujourd'hui ne conteste l'existence d'une obligation générale de prévenir, limiter et réparer les dommages transfrontières, plusieurs d'entre eux objectent à son application dans le cadre des changements climatiques, usant différent arguments : 

- cette obligation s'applique dans un cadre bilatéral,  interdisant à un Etat de polluer le territoire de son voisin.

- si elle s’applique à un phénomène mondial comme les changements climatiques, son application est récente et ne peut concerner les émissions dites historiques. La France et l’Allemagne s’interrogent ainsi sur le point de départ d’une telle obligation, la Suisse estimant que cette obligation ne saurait être antérieure au premier rapport IPCC, à savoir 1990

- un Etat qui se conforme à l'accord de Paris doit être automatiquement considéré comme ayant rempli son obligation coutumière de "no harm".

3️⃣ L’interprétation de l’Accord de Paris

👉En particulier, quelle est l'étendue du principe (novateur) de "Responsabilités communes mais différenciées" des Etats ? 

L'accord de Paris laisse les Etats libres de choisir le contenu de leur contribution déterminée au niveau national (CDN) sans fournir d'orientation pour répartir les émissions restantes entre eux . Dans ce cas, comment répartir les responsabilités entre un Etat qui s'est fixé des objectifs ambitieux qu'il n'a pas tout à fait atteint sans tenir responsable un Etat qui, lui, s'est fixé des objectifs faciles et a donc rempli ses obligations ?  
https://www.un.org/fr/climatechange/all-about-ndcs

De nombreux Etats contestent l’existence d’obligations différenciées pour les Etats développés et en développement. 

Leur argumentation repose sur l’idée que la complexité des relations de cause à effet entre les émissions et les dommages ne permet pas d’attribuer individuellement la responsabilité de dommages aux Etats.

Or, la responsabilité d'un Etat qui cause un dommage, doit être individuelle, certaine et évaluable. 

Dernière question, celle des droits à protéger 

4️⃣ Les droits humains, en particulier le droit à un environnement sain

⚖️ Le récent arrêt (2024) de la Cour Européenne des droits de l’homme, "KlimaSeniorinnen" sur le droit à un environnement sain a été cité à de nombreuses reprises. Cet arrêt confirme que le respect des obligations de l’Accord de Paris n’éteint pas les obligations des Etats dans le contexte du changement climatique.
https://hudoc.echr.coe.int/eng#%7B%22itemid%22:%5B%22001-233258%22%5D%7D 

La question des droits humains sera certainement une question centrale de l’opinion de la CIJ. Un grand nombre d’entre eux sont affectés, en particulier les droits à l’alimentation, à l’eau, à la vie, à l’éducation, à la santé et à la culture ainsi que les droits des générations futures.

De nombreux Etats ont invoqué le droit à un environnement sain, en soutenant que ce droit s’était cristallisé en norme coutumière internationale. Cependant, plusieurs d’entre eux ont rejeté cette idée, qui ne remplirait pas les conditions d'existence d'une coutume.

C'est tout pour aujourd'hui
=> N'hésitez pas à poser vos questions. J'ai conscience qu'il s'agit d'un sujet très technique et un peu compliqué, mais ce sujet vous concerne directement ; je crois qu'il est important que vous compreniez les enjeux de la décision à venir. 

Responsabilité des États dans le Changement Climatique

Que peut-il se passer pour un ancien chef d'Etat soupçonné d'avoir commis ou commandité des actes de torture, des crimes contre l'humanité, ou des crimes de guerre ? 
L'exemple de Bachar el-Assad.

Les chefs d'Etat ou de gouvernement sont protégés par l'immunité que le droit international coutumier leur accorde, immunité absolue qui est le corollaire de la souveraineté des Etats.
Cette immunité ne saurait pour autant les absoudre de toute responsabilité pénale - ce serait injuste et dangereux, contraire à l'ordre international.

Pour concilier ces deux exigences, le droit international fait une pirouette et distingue :  
1️⃣ l'immunité personnelle des chefs d'Etat/de gouvernement/certains ministres - qui les prémunit contre toute arrestation et poursuites, quels que soient les actes commis. Cette immunité est absolue.

Ainsi, le mandat d'arrêt international lancé en 2023 par la justice française à l'encontre de Bachar el Assad l'a été à l'encontre du droit international et de la jurisprudence des tribunaux nationaux comme internationaux. Il aurait probablement été rejeté par la Cour de Cassation, même si la Cour d'Appel a fait de la résistance.
https://www.icj-cij.org/fr/affaire/121

Cette immunité personnelle explique que les Etats rechignent à arrêter d'autres chefs d'Etat en exercice, y compris pour accomplir les obligations qu'il ont contractées vis à vis de la CPI. 

Il s'agit donc d'un fondement du droit international - mais avec une date d'expiration⤵️

2️⃣ l'immunité fonctionnelle, plus réduite, protège simplement la personne en raison des actes accomplis pour l'exercice d'une fonction, pendant l'exercice de ces fonctions (y compris lorsqu'elle les excède : l'exemple classique est un casque bleu qui tuerait sans être en état de légitime défense, mais dans l'exercice de sa mission). 

L'immunité fonctionnelle ne saurait couvrir des actes gravissimes, comme les crimes contre l'humanité ou la torture, qui ne sauraient être assimilés à l'exercice des fonctions d'un dirigeant (ça semble évident, mais c'est tout de même contesté par certains. La doctrine penche cependant en faveur d'une exclusion des crimes les plus graves du champs d'application de l'immunité fonctionnelle)

Pour plus de détails, je vous renvoie à un récent 🧵 sur l'immunité des dirigeants
https://twitter.com/TreatyTales/status/1862093680737390617

Ainsi, tout a changé au moment même où Bachar El Assad a perdu le pouvoir. 
▶️Seuls les actes commis pour l'exercice des fonctions d'un chef d'Etat sont "couverts" par l'immunité fonctionnelle - pas la torture (prohibée par une convention internationale qui relève du droit coutumier ainsi que les conventions de Genève), ni les crimes contre l'humanité, par exemple.

Peut alors s'appliquer un concept novateur du droit international : la juridiction universelle.
Ce concept permet à un État de poursuivre et de juger les auteurs présumés de certains crimes graves, indépendamment de leur nationalité, de celle des victimes, ou du lieu où le crime a été commis. 
Il repose sur l’idée que certains crimes sont si graves qu’ils portent atteinte à la communauté internationale dans son ensemble, et qu’il est de la responsabilité de tous les États de les sanctionner.

Au nom de la juridiction universelle, il devient possible pour les justices nationales de  poursuivre pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, torture, etc. un ancien chef d'Etat qui a abandonné le pouvoir (et ne jouit plus que de l'immunité fonctionnelle).

Il y a des précédents célèbres: 
▶️  l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet a été arrêté en 1998 au Royaume-Uni en vertu de la Convention contre la torture pour des crimes commis au Chili.
▶️ l’ancien président tchadien Hissen Habré a été jugé en 2016 pour crimes contre l’humanité, torture et crimes de guerre par une juridiction spéciale au Sénégal
▶️ Le nazi Adolf Eichman a été jugé en 1961 par la justice israélienne pour 15 chefs d’accusation, incluant des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des crimes contre le peuple juif


Le mandat d'arrêt lancé par la France contre Bachar el-Assad devient ainsi, par la magie des événements, parfaitement légal au regard du droit international.
https://www.cours-appel.justice.fr/sites/default/files/2024-06/Communiqué%20de%20presse-mandat%20d%27arrêt%20Bachar%20AL%20ASSAD.pdf

❓On peut dès lors se demander ce qu'il va se passer si d'autres Etats décident, à leur tour, de poursuivre Bachar el-Assad en raison des mêmes faits ? 

La solution sera trouvée au cas par cas, grâce à deux principes : 
1. Forum conveniens : l’État ayant les meilleures chances d’un procès équitable et efficace est souvent privilégié (par exemple, celui où se trouvent les preuves ou les témoins).

2. Double poursuite : le principe "non bis in idem" (ne pas juger deux fois pour les mêmes faits) s’applique après un verdict final. 
Si la France juge Assad et le condamne (ou l'acquitte), d'autres pays ne pourront pas le rejuger pour les mêmes crimes. 

D'où l'intérêt de bien respecter le principe de forum conveniens.

Ainsi, deux possibilités pour poursuivre Bachar el-Assad :
- la Syrie peut décider de conférer juridiction à la CPI, comme l'a fait l'Ukraine. 
(▶️ si elle devient simplement partie au Statut de Rome, la CPI n'aura juridiction qu'à partir de la date de ratification du traité, donc après la commission des crimes)

- ou alors, le Conseil de Sécurité peut décider de renvoyer l'affaire à la CPI
Sur la juridiction de la CPI, je vous renvoie à un 🧵récent
https://x.com/TreatyTales/status/1859914791235817837

The Immunity of Former Leaders

Le Rapport d'Amnesty sur la situation en Palestine s'affranchit-il de la définition international pour pouvoir plus aisément établir l'existence d'un génocide ? 
Le débat fait rage :
https://x.com/MarkGoldfeder/status/1864501298961232221

https://x.com/Alonso_GD/status/1864636807826026985

J'ai lu le rapport et voici ma pierre à l'édifice
https://www.amnesty.org.au/wp-content/uploads/2024/12/20241129EndIsraeliGenocide.pdf

Le noeud gordien ? 
Encore et toujours l'intention génocidaire - même si on peut discuter l'existence d'un groupe "national, ethnique, racial ou religieux", étant entendu que l'existence d'un Etat palestinien est sujet à caution, que les habitants de Gaza ne se distinguent ethniquement, racialement, ou religieusement pas des Arabes israéliens.

Comment définir l'intention ? Elle doit être spéciale.

La CIJ, dans un arrêt Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) du 26/2/ 2007 a précisé que 
( https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/91/091-20070226-JUD-01-00-FR.pdf 


L'intention spécifique, c'est ce qui distingue le génocide des autres meurtres de masse, comme le crime de guerre ou les crimes contre l'humanité.

En droit international, il est possible d'actionner à la fois la responsabilité individuelle des individus qui le commettent et la responsabilité internationale de l'Etat qui s'en est rendu coupable (ou allégué comme tel) 

Les tribunaux spéciaux pour la Yougoslavie ou le Rwanda ont donc jugé des individus, pour les crimes commis par eux alors que la CIJ a étudié la violation de la Convention de pour la prévention du génocide par les Etats eux-mêmes.

Les Etats étant des fictions juridiques, pour déterminer leur comportement, on étudie celui de ceux agissent pour eux et/ou les représentent.

Les auteurs du rapport reprennent avec justesse les mots du tribunal international sur le Rwanda, qui constate la difficulté d'établir une telle intention en l'absence d'une organisation ou d'un système.